Le 28 juillet 1879, Lucy Burns voit le jour à Brooklyn, New York, dans une famille catholique irlandaise. Rien ne prédestinait cette brillante étudiante à devenir l’une des figures de proue du mouvement pour le droit de vote des femmes aux États-Unis. Et pourtant, par son militantisme ardent, son courage face à l’adversité et son amitié indéfectible avec Alice Paul, Lucy Burns marquera l’histoire de l’émancipation féminine de son empreinte indélébile.
Une formation intellectuelle d’excellence
Élève douée, Lucy Burns effectue sa scolarité à la prestigieuse Packer Collegiate Institute de Brooklyn. Elle poursuit son cursus à l’université de Vassar, puis à Yale et enfin à Oxford. Cette formation académique exceptionnelle aiguise son esprit critique et forge ses convictions féministes. Après avoir été brièvement enseignante, elle décide de se consacrer pleinement à la lutte pour les droits des femmes.
Un engagement militant aux côtés des suffragettes britanniques
En 1909, Lucy Burns rejoint les suffragettes britanniques de la Women’s Social and Political Union, menées par Emmeline Pankhurst. Aux côtés d’Alice Paul, elle participe à des actions coup de poing : manifestations, interruptions de meetings politiques, grèves de la faim en prison. Cette expérience radicalise Lucy Burns et la convainc de la nécessité d’une lutte sans compromis pour l’égalité des droits.
Le retour aux États-Unis et la création du National Woman’s Party
De retour aux États-Unis en 1912, Lucy Burns et Alice Paul intègrent la National American Woman Suffrage Association (NAWSA). Mais frustrées par la timidité de l’organisation, elles fondent le Congressional Union, qui deviendra le National Woman’s Party (NWP) en 1916. Leur objectif : obtenir un amendement constitutionnel accordant le droit de vote aux femmes au niveau fédéral, par une pression constante sur le parti au pouvoir.
Les « Sentinelles silencieuses » de la Maison Blanche
En janvier 1917, le NWP lance les « Sentinelles silencieuses » : des piquets de protestation quotidiens devant la Maison Blanche, pour interpeller le président Wilson. Vêtues de blanc, arborant des banderoles aux slogans chocs, les militantes bravent le froid, les insultes et les agressions. Lucy Burns est arrêtée à de multiples reprises et emprisonnée dans des conditions terribles, subissant l’isolement et la brutalité des gardiens.
La « Nuit de la Terreur » à la prison d’Occoquan
Le 14 novembre 1917, Lucy Burns et ses camarades subissent la « Nuit de la Terreur » à la prison d’Occoquan. Battues, traînées au sol, leurs vêtements arrachés, elles sont jetées dans des cellules insalubres, infestées de vermine. Lucy Burns est enchaînée les bras en croix pendant toute une nuit. Mais même meurtrie, elle continue à haranguer ses codétenues et à chanter des hymnes patriotiques pour maintenir le moral des troupes.
Un leadership sans faille au sein du NWP
Tout au long de ces années de lutte, Lucy Burns s’impose comme une figure majeure du NWP. Organisatrice hors pair, meneuse charismatique, stratège politique affûtée, elle est de tous les combats. Son charisme et sa détermination sans faille en font un pilier du mouvement, aux côtés d’Alice Paul. Les deux femmes, pourtant aux tempéraments opposés, forment un duo soudé et complémentaire.
La victoire du 19ème amendement
Après des années de lutte acharnée, la persévérance de Lucy Burns et de ses consœurs finit par payer. En 1919, le Congrès adopte le 19ème amendement accordant le droit de vote aux femmes au niveau fédéral. Il est ratifié en août 1920, après une intense bataille état par état. C’est une immense victoire pour le mouvement suffragiste, à laquelle Lucy Burns aura contribué de toutes ses forces.
Le prix d’une vie de combat
Mais ces années de militantisme intensif ont laissé des traces. Épuisée physiquement et moralement, Lucy Burns prend ses distances avec le NWP. Déçue par le manque d’engagement de nombreuses femmes après l’obtention du droit de vote, elle se retire de la vie politique. Elle se tourne vers sa foi catholique et se consacre à sa nièce orpheline. Lorsqu’elle s’éteint en 1966 à New York, son nom est quelque peu tombé dans l’oubli.
Un héritage féministe capital
Pourtant, l’héritage de Lucy Burns est immense. Par son engagement total, son courage exemplaire et son sens du sacrifice, elle a ouvert la voie à des générations de féministes. Son combat rappelle que les droits des femmes ne sont jamais acquis et qu’ils doivent sans cesse être défendus. La créativité et l’audace de ses modes d’action, de la désobéissance civile jusqu’à la grève de la faim, ont durablement marqué le répertoire militant. Son amitié indéfectible avec Alice Paul témoigne aussi de la force des sororités politiques.
Nos réponses à vos questions sur Lucy Burns
Quelle a été la relation entre Lucy Burns et Alice Paul ?
Lucy Burns et Alice Paul se sont rencontrées en Angleterre en 1909 lors de leur engagement auprès des suffragettes britanniques. De cette expérience est née une amitié profonde et une alliance politique indéfectible. Malgré leurs tempéraments très différents, les deux femmes ont formé un duo particulièrement efficace et complémentaire dans leur lutte pour le droit de vote. Leur complicité et leur loyauté mutuelle ont été la clé de leur succès.
Pourquoi Lucy Burns a-t-elle rompu avec la NAWSA pour fonder le NWP ?
Lorsque Lucy Burns et Alice Paul sont revenues aux États-Unis en 1912, elles ont d’abord rejoint la NAWSA. Mais elles se sont vite senties frustrées par la timidité et la lenteur de l’organisation. Elles prônaient une ligne beaucoup plus offensive et radicale, ciblant le parti au pouvoir pour obtenir un amendement fédéral. C’est pourquoi elles ont décidé de fonder leur propre organisation, le Congressional Union puis le National Woman’s Party.
Quelles épreuves Lucy Burns a-t-elle subies lors de ses séjours en prison ?
Lucy Burns a été emprisonnée à de multiples reprises en raison de son militantisme. Lors de ces incarcérations, elle a enduré des conditions terribles : mise à l’isolement, privations, brutalité des gardiens. L’épisode le plus éprouvant fut la « Nuit de la Terreur », le 14 novembre 1917 à la prison d’Occoquan, où Lucy Burns et ses camarades ont été battues et humiliées. Lucy Burns a été enchaînée les bras en croix pendant toute une nuit. Mais elle n’a jamais renoncé.
Pourquoi Lucy Burns est-elle moins connue qu’Alice Paul aujourd’hui ?
Après le vote du 19ème amendement, Lucy Burns, épuisée, a pris ses distances avec le NWP et la vie politique, contrairement à Alice Paul qui a poursuivi le combat féministe. De plus, de tempérament modeste et discret, Lucy Burns n’a pas cherché la célébrité. C’est pourquoi elle est sans doute moins connue qu’Alice Paul aujourd’hui. Mais les historiens œuvrent à ce que son rôle capital soit pleinement reconnu. Car le succès du mouvement suffragiste américain doit autant à Lucy Burns qu’à Alice Paul.