Salaire, congé maternité, harcèlement… Depuis la loi pionnière de 1907 sur le libre usage de leur paie par les femmes mariées, les travailleuses françaises ont arraché de haute lutte de nombreux droits fondamentaux. Pourtant, plus d’un siècle après, l’égalité réelle reste un horizon lointain. Retour sur les jalons marquants de ce combat et les défis qui restent à relever en ce 8 mars 2023.
1907-1946 : les premières victoires, de l’indépendance financière au congé maternité
Tout commence en 1907, quand les femmes mariées obtiennent enfin la libre disposition de leur salaire, après 13 ans de bataille parlementaire. Une brèche décisive dans la toute puissance maritale héritée du Code Napoléon :
- 1909 : Instauration d’un congé maternité de 8 semaines, mais non rémunéré
- 1946 : Le principe d’égalité femmes-hommes est inscrit dans la Constitution, sonnant le glas du « salaire féminin » discriminatoire
Entre temps, le régime de Vichy marque un retour en arrière, en interdisant aux femmes mariées de travailler dans la fonction publique. Mesure réactionnaire qui ne résistera pas à la Libération.
1965-1992 : les années féministes, ou la conquête de l’autonomie
Les Trente Glorieuses voient l’émancipation s’accélérer, sous la pression des luttes féministes. Le travail devient un levier clé d’indépendance pour les femmes :
- 1965 : Les femmes peuvent travailler sans l’accord de leur mari et gérer leurs biens en propre
- 1983 : La loi Roudy sanctionne les discriminations à l’embauche, en matière de formation et de salaire
- 1992 : Le harcèlement sexuel fait son entrée dans le Code du travail, la France étant pionnière en Europe sur le sujet
Le taux d’activité des 25-54 ans explose, passant de 45% en 1968 à 75% en 1990. Pour autant, la « valence différentielle des sexes » continue d’imprégner le marché du travail.
2006 à nos jours : des avancées en demi-teinte face au plafond de verre
Malgré un arsenal législatif étoffé, les inégalités professionnelles perdurent, comme l’illustrent quelques chiffres éloquents :
- 28,5% d’écart salarial en moyenne à poste et compétences égales, la fameuse « journée travaillée non payée » des femmes pointée par Les Glorieuses
- Plus de précarité, de temps partiel subi et de risque de chômage, comme l’a montré la crise du Covid
- Moins de 20% de femmes dans les comités exécutifs du CAC40, signe d’un plafond de verre toujours bien présent
Face à ce constat, le gouvernement mise sur l’index d’égalité salariale pour contraindre les entreprises à se mettre en conformité. Une arme efficace pour changer la donne ?
Vers une véritable égalité économique : le défi de demain
Plus d’un siècle après les premières lois émancipatrices, l’égalité femmes-hommes au travail reste un combat. Si les droits progressent, les résistances culturelles et structurelles freinent le changement :
- La charge parentale et domestique qui continue de peser davantage sur les femmes
- Le poids des stéréotypes de genre qui cantonnent certains métiers dans un univers masculin (tech, finance…) ou féminin (soin, éducation…)
- Une norme managériale valorisant la disponibilité permanente et la mobilité, peu compatible avec une vie de famille
Pour transformer l’essai, une politique volontariste s’impose. Au menu : un allongement ambitieux du congé paternité, un investissement massif dans les services publics de la petite enfance, des objectifs contraignants de mixité dans tous les secteurs…
Mais le changement passera aussi par une révolution culturelle profonde. Celle qui fera de l’égalité une priorité stratégique pour les entreprises, au nom de la performance comme de la justice sociale. Avec la conviction qu’une société où les femmes réalisent leur plein potentiel est une société qui gagne sur tous les plans.
Plus que jamais, les combats d’hier doivent nourrir les luttes d’aujourd’hui et de demain. La promesse d’un nouveau féminisme conquérant, qui place l’émancipation économique au cœur de son projet. Travailleuses de tous les pays, unissons-nous !