Si les difficultés rencontrées par les femmes au travail sont un sujet de plus en plus discuté, notamment les inégalités salariales et le fameux « plafond de verre » qui limite leur accès aux postes à responsabilité, il est un angle mort du débat : l’impact de la ménopause sur la vie professionnelle des femmes. Pourtant, cette étape naturelle que traverse chaque femme entre 45 et 55 ans est loin d’être anodine, avec son lot de symptômes physiques et psychologiques qui peuvent sérieusement compliquer le quotidien au bureau.
Une récente étude britannique menée par CIPD, spécialiste des ressources humaines, met en lumière l’ampleur du phénomène : 59% des femmes estiment que la ménopause a des effets néfastes sur leur travail. Dans le détail, elles sont :
- 65% à éprouver des difficultés de concentration
- 58% à ressentir plus de stress
- 52% à manquer de patience avec leurs collègues et clients
Et pour cause : bouffées de chaleur, fatigue intense, insomnies, sautes d’humeur… Les symptômes de la ménopause n’épargnent pas la sphère professionnelle, bien au contraire. Ils durent en moyenne 7 ans, de quoi sérieusement impacter une carrière ! Ajoutons à cela l’augmentation des risques de certaines maladies comme l’ostéoporose, et on comprend que traverser cette période tout en restant performante au travail relève souvent du parcours du combattant.
Un enfer vécu en silence par la majorité des femmes concernées. Car si les règles commencent (enfin) à ne plus être un sujet tabou, la ménopause, elle, reste largement passée sous silence, notamment dans le monde du travail. Selon la sociologue Cécile Charlap, la ménopause est encore trop souvent perçue comme une maladie honteuse liée au vieillissement qu’il faudrait taire et « soigner » en catimini. Résultat, seulement un quart des femmes qui s’arrêtent pour cause de ménopause osent donner la véritable raison à leur manager !
Pourtant, au vu de l’ampleur du phénomène, il serait grand temps que le monde du travail s’empare du sujet. Mais pour l’instant, que ce soit du côté des entreprises, des syndicats ou même des associations, le sujet n’est quasiment pas abordé. Aucune recommandation ou solution concrète n’est proposée aux femmes en proie à ces difficultés, qui se retrouvent bien seules pour affronter cette tempête hormonale.
Alors que faire ? En 2016, l’European Menopause and Andropause Society (EMAS) a listé quelques pistes pour adapter les conditions de travail des femmes ménopausées :
- Réguler la température et l’accès à l’eau dans les bureaux, pour limiter l’impact des bouffées de chaleur
- Assouplir les horaires pour permettre aux femmes fatiguées ou insomniaques de mieux gérer leur énergie
- Faciliter l’accès aux toilettes, car les règles peuvent être abondantes et irrégulières en périménopause
Mais au-delà de ces aménagements pratiques, l’essentiel est de libérer la parole sur le sujet. Tant que la ménopause restera un tabou, aucune politique ambitieuse ne pourra voir le jour. Il est urgent d’informer et de sensibiliser à grande échelle sur les effets de la ménopause au travail, pour créer un climat bienveillant où les femmes concernées pourront s’exprimer sans crainte et trouver une oreille attentive auprès de leur hiérarchie et de leurs collègues.
Certaines entreprises pionnières commencent à montrer la voie, à l’image de la banque HSBC UK qui a mis en place un programme de soutien complet avec des « champions de la ménopause » formés pour accompagner leurs collègues, ou encore Channel 4 qui propose des consultations médicales et des groupes de parole sur le temps de travail. Des initiatives inspirantes qui doivent désormais essaimer largement !
Car au-delà du bien-être des femmes, c’est l’intérêt des entreprises elles-mêmes qui est en jeu. Accompagner ses talents féminins seniors plutôt que les laisser dépérir, c’est se donner la chance de profiter pleinement de leur expérience et de leurs compétences. À l’heure de l’allongement des carrières, aucune société ne peut se permettre de se priver d’une partie de ses effectifs sous prétexte qu’ils prennent un coup de chaud !
Pour conclure, la ménopause ne doit plus être une double peine infligée aux femmes au travail. Après s’être battues pour briser le plafond de verre, elles ne peuvent se résoudre à végéter dans le brouillard de la ménopause ! Il est temps d’agir, à toutes les échelles et sur tous les fronts : en brisant le tabou par la sensibilisation, en adaptant les conditions de travail, et en déployant des politiques de soutien ambitieuses au sein des entreprises et des institutions. Ensemble, faisons de la ménopause une étape de vie comme une autre, que l’on peut traverser sereinement sans mettre sa carrière entre parenthèses !