Règles douloureuses, maternité, ménopause… Longtemps passées sous silence, les problématiques de santé propres aux femmes s’invitent enfin dans le débat sur la qualité de vie au travail. Pourtant, la frilosité reste de mise quand il s’agit d’adapter les conditions de travail à ces spécificités féminines. Crainte d’une stigmatisation, peur d’être accusé de sexisme… Les arguments ne manquent pas pour justifier le statu quo. Et si, au contraire, la prise en compte de ces différences était la clé d’un monde professionnel plus inclusif et épanouissant pour toutes et tous ?
Un modèle de travail « par défaut » conçu par et pour les hommes
Premier constat : notre univers professionnel est encore largement façonné à l’aune d’un travailleur masculin, censé incarner une norme universelle. Avec des conséquences délétères pour la santé des femmes :
- Des équipements et des normes de sécurité inadaptés à leur morphologie (oubli des seins dans les combinaisons, ceintures et airbags moins protecteurs…)
- Des rythmes et des espaces pensés pour des salariés débarrassés des contraintes domestiques, grâce à la fameuse « charge mentale » portée par leurs compagnes
- Une culture du présentéisme et du surinvestissement, incompatible avec une vie personnelle et familiale épanouie
Résultat : les femmes actives cumulent les facteurs de risques psychosociaux, de la fatigue chronique au burn-out en passant par les troubles anxieux. Un constat implacable dressé par Santé Publique France.
Lever les tabous sur les « 3M » pour en finir avec la double peine
Mais les femmes ne sont pas qu’une variable d’ajustement, contraintes de se fondre dans le moule d’un salariat « neutre ». Elles sont aussi des êtres de chair, soumis à des épreuves physiologiques bien réelles :
- L’endométriose, maladie longtemps invisible qui touche une femme sur dix et première cause d’absentéisme au travail
- Les règles douloureuses, véritable enjeu de santé publique avec des répercussions majeures sur la productivité et le bien-être
- La ménopause, encore taboue alors qu’elle concerne toutes les femmes à partir de 50 ans et s’accompagne de symptômes invalidants au travail
Là encore, c’est la double peine : en plus de devoir prouver leur valeur dans un monde professionnel qui leur est hostile, les femmes doivent composer avec un corps cyclique et des bouleversements hormonaux. Il est temps de briser ce silence assourdissant !
Différencier sans discriminer : le nouveau défi des entreprises
Dès lors, comment faire évoluer les mentalités et les organisations pour offrir aux femmes un cadre de travail enfin adapté à leurs besoins ? Quelques pistes à explorer d’urgence :
- Sensibiliser les managers et les équipes RH aux enjeux de santé spécifiques des femmes, pour créer un climat de confiance et libérer la parole
- Aménager les espaces et les horaires pour faciliter la gestion des « 3M » : salles de repos, télétravail ponctuel, flexibilité des plannings…
- Instaurer des congés spéciaux pour les règles douloureuses ou les rendez-vous médicaux liés à la maternité et la ménopause
Loin d’être un passe-droit réservé aux femmes, ces dispositifs doivent s’inscrire dans une politique globale de qualité de vie et de bien-être pour tous. Car mieux prendre en compte les rythmes et les besoins de chacun, c’est le meilleur moyen de combattre l’absentéisme et d’améliorer la performance collective !
Osons un monde du travail capable d’accueillir les femmes dans toutes leurs dimensions, sans les enjoindre à laisser leur identité et leur vécu au vestiaire. C’est à cette condition que nous pourrons bâtir des organisations réellement égalitaires et épanouissantes, où il fait bon vivre et s’engager.
La route est encore longue pour en finir avec un modèle professionnel masculino-centré et capacitiste. Mais il y a urgence. Car c’est en célébrant la singularité de chacune et chacun que nous ferons de la diversité un véritable moteur d’innovation sociale. Le défi d’un nouveau féminisme au travail, audacieux et fédérateur.