Présentée comme la nouvelle pierre philosophale du bien-être au travail, la semaine de 4 jours semble avoir tout bon. Meilleure qualité de vie, plus de temps pour soi et ses proches, baisse du stress et du burnout… Difficile de ne pas y voir aussi un formidable outil d’égalité femmes-hommes. Car en allégeant la charge mentale des femmes et en libérant du temps pour mieux se répartir les tâches domestiques et parentales, elle pourrait enfin donner un coup de pouce à celles qui triment en double journée. Mais derrière ces promesses, se cachent quelques angles morts qu’il serait dommage de négliger. Explications.
Les avantages pour l’égalité
Commençons par les bonnes nouvelles. En compressant le temps de travail sur 4 jours au lieu de 5 sans perte de salaire, la fameuse « semaine courte » offre mécaniquement plus de temps pour respirer. Un bol d’air indéniable pour les femmes sur qui reposent encore 2/3 des tâches ménagères et parentales. Avec un jour « off » en plus, elles pourraient souffler un peu et déléguer davantage à leur conjoint. De quoi soulager leur charge mentale écrasante, sans sacrifier leur carrière et leurs revenus. Car jusqu’ici, beaucoup n’avaient d’autre choix que le temps partiel (à 80% féminin !) pour concilier travail et vie perso. Un piège qui plombe leurs salaires, leurs opportunités d’évolution et à terme, leurs retraites. Avec la semaine de 4 jours, fini le dilemme : on peut enfin bosser ET s’occuper de sa famille sans rogner son pouvoir d’achat. De ce point de vue, le gain pour l’égalité est indéniable.
Un changement de paradigme bénéfique
Mais les vertus égalitaires de la semaine courte ne s’arrêtent pas là. En réorganisant le travail pour le rendre plus efficace, elle signe aussi la fin du présentéisme et des réunions chronophages. Un changement de paradigme bénéfique aux femmes, souvent exclues des sphères de décision par manque de temps. En mettant tout le monde sur un pied d’égalité, la semaine de 4 jours crée un environnement plus propice à leur progression. Sans compter qu’en valorisant d’autres rôles que celui de travailleur (parent, aidant, citoyen engagé…), elle invite chacun à s’investir dans des activités historiquement dévolues aux femmes. Passer plus de temps à la maison devient enfin valorisant et épanouissant, y compris pour les hommes !
Les limites et les risques
Des semaines de 4 jours inégales
Voilà pour la théorie. Car en pratique, les choses sont rarement aussi simples. Premier écueil : toutes les semaines de 4 jours ne se valent pas. Certaines se contentent de concentrer 5 jours de labeur en 4, avec des journées à rallonge et une flexibilité en trompe-l’oeil. Pas sûr que les femmes déjà débordées soient en mesure d’étirer leurs journées ! Pour qu’elles en profitent pleinement, encore faut-il que le temps dégagé soit vraiment du temps libre, et non du surtravail déguisé. La nuance est d’importance.
Le risque du jour « off » accaparé par les tâches domestiques
Deuxième limite : le risque que le jour « off » des femmes soit happé par les tâches domestiques, surtout si leur conjoint travaille sur 5 jours. On sait que les congés et le télétravail ont parfois cet effet pervers d’accroître les inégalités à la maison, les femmes « profitant » de la flexibilité pour faire plus de lessive et de repassage. Ironiquement, leur jour de repos pourrait se transformer en jour de corvées non partagées ! Un piège dont il faut se méfier, sous peine d’annuler les bénéfices attendus.
Conditions pour une réelle égalité
Nécessité d’un accompagnement
Le constat est clair : la semaine de 4 jours ne suffira pas, seule, à instaurer l’égalité. C’est un formidable coup de pouce, mais à condition d’être bien pensée et accompagnée. Réduction effective du temps de travail, reorganisation intelligente des process, engagement des conjoints dans une répartition équilibrée des tâches… Les entreprises devront veiller au grain pour que les 4 jours profitent autant aux femmes qu’aux hommes. Sans quoi, le remède miracle pourrait se muer en mirage.
Un progrès social malgré tout
Ne soyons pas défaitistes pour autant. En permettant à tous de mieux concilier boulot, famille et vie perso, la semaine courte est un vrai progrès social. Elle redonne aux femmes des marges de manoeuvre pour avancer sans renoncer à leurs ambitions. Et aux hommes, la possibilité de s’investir pleinement dans la sphère privée. De quoi dépoussiérer un modèle obsolète où Monsieur fait carrière pendant que Madame gère l’intendance. Avec, espérons-le, un nouveau partage des rôles et des responsabilités.
Conclusion : Un outil d’émancipation collective
Mais pour cela, elle doit être pensée comme un outil d’émancipation collective et non comme une énième variable d’ajustement individuelle. Pour qu’elle tienne ses promesses égalitaires, la semaine de 4 jours doit s’articuler avec une volonté politique forte de faire évoluer les mentalités et les organisations. Elle doit être un levier de transformation sociale, au service d’une société plus juste et épanouissante. C’est à ce prix qu’elle aidera réellement les femmes à briser le plafond de verre… sans leur coller une serpillère dans les mains. L’égalité réelle est peut-être à portée de main, à nous de ne pas la laisser filer.