Le 14 juillet 1917, alors que la nation américaine célébrait la fête nationale française, un autre type de révolution se jouait devant la Maison Blanche. Ce jour-là, seize membres du National Women’s Party (NWP) ont été arrêtées pour avoir manifesté en faveur du droit de vote des femmes. Cet événement, qui peut sembler anodin au regard de l’histoire, marque en réalité un tournant décisif dans la lutte pour le suffrage féminin aux États-Unis.
Le National Women’s Party, fer de lance d’un nouveau militantisme
Fondé en 1916 par les suffragettes Alice Paul et Lucy Burns, le National Women’s Party se distingue par ses méthodes d’action directe et sa détermination à faire pression sur le gouvernement fédéral. Contrairement aux organisations suffragistes plus modérées comme la National American Woman Suffrage Association (NAWSA), le NWP n’hésite pas à organiser des manifestations, des grèves de la faim et même des actes de désobéissance civile pour faire entendre sa cause.
Dès janvier 1917, les membres du NWP, surnommées les « Sentinelles silencieuses », commencent à piquer devant la Maison Blanche, brandissant des banderoles qui interpellent le président Woodrow Wilson sur son inaction face à la question du suffrage féminin. Malgré les insultes, les agressions et même les menaces d’arrestation, ces femmes courageuses tiennent bon, déterminées à maintenir la pression jusqu’à ce que leur voix soit entendue.
Le 14 juillet 1917, un basculement dans la lutte
Ce samedi 14 juillet, alors que les piquets se poursuivent comme chaque jour, la police décide soudainement de passer à l’action. Seize femmes, dont Florence Bayard Hilles, fille d’un ancien ambassadeur, et Allison Turnbull Hopkins, épouse d’un proche collaborateur du président Wilson, sont arrêtées pour « obstruction à la circulation ». C’est la première fois que le gouvernement ose s’en prendre directement aux suffragettes, un signe que leur mouvement commence à être pris au sérieux.
Loin de se laisser intimider, les femmes du NWP transforment leur procès en tribune pour leur cause. Refusant de payer leurs amendes, elles choisissent la prison, attirant l’attention des médias et de l’opinion publique sur le sort réservé à ces militantes pacifiques. En prison, elles subissent des conditions difficiles, sont nourries de force, mais ne renoncent pas. Leur courage et leur détermination en font des héroïnes et des martyres pour la cause du suffrage.
L’impact des arrestations sur le mouvement suffragiste
Les arrestations du 14 juillet marquent un tournant dans la stratégie du NWP. Désormais, l’objectif n’est plus seulement de manifester, mais de provoquer délibérément des arrestations pour créer un électrochoc dans l’opinion. Les « Sentinelles silencieuses » redoublent d’ardeur, multipliant les actions coup de poing. En novembre 1917, Alice Paul elle-même est arrêtée et entame une grève de la faim en prison, forçant l’administration à la libérer.
Cette stratégie de confrontation, bien que controversée au sein même du mouvement suffragiste, porte ses fruits. Face à la pression croissante, le président Wilson finit par apporter son soutien au 19e amendement accordant le droit de vote aux femmes. Adopté par le Congrès en 1919, il est ratifié par les États en août 1920, marquant une victoire historique pour le mouvement suffragiste.
L’héritage des « Sentinelles silencieuses »
Au-delà de leur contribution décisive à l’obtention du droit de vote, les militantes du National Women’s Party ont ouvert la voie à de nouvelles formes de protestation non-violente. Leurs méthodes – manifestations, grèves de la faim, désobéissance civile – inspireront plus tard les mouvements pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam.
Aujourd’hui, les noms de ces pionnières – Alice Paul, Lucy Burns, Inez Milholland et tant d’autres – sont célébrés comme ceux de véritables héroïnes américaines. Leur courage, leur détermination et leur volonté inflexible de se battre pour leurs droits restent une source d’inspiration pour les générations de femmes qui ont suivi.
Alors en ce 14 juillet, jour anniversaire de ces arrestations historiques, prenons un moment pour honorer la mémoire de ces « Sentinelles silencieuses » qui ont fait entendre leur voix au prix de leur liberté. Rappelons-nous que les droits dont nous jouissons aujourd’hui ont été chèrement acquis par le sacrifice de ces femmes exceptionnelles. Et continuons leur combat, car comme le disait si bien Alice Paul : « Il n’y a qu’une façon de faire tomber les barrières – c’est de les attaquer sans relâche, encore et encore, jusqu’à ce qu’elles cèdent. »
Les dates clés du combat des « Sentinelles silencieuses »
- Janvier 1917 : Début des piquets du NWP devant la Maison Blanche
- 14 juillet 1917 : Arrestation de 16 suffragettes pour « obstruction à la circulation »
- Octobre 1917 : Alice Paul est condamnée à 7 mois de prison
- Novembre 1917 : Grève de la faim d’Alice Paul en prison
- Janvier 1918 : Wilson annonce son soutien au suffrage féminin
- Juin 1919 : Le Congrès adopte le 19e amendement
- Août 1920 : Ratification du 19e amendement par les États