Âgisme, charge mentale, trajectoires heurtées… A l’heure où l’on ne jure que par la génération Z, les travailleuses séniors font figure d’oubliées dans le monde de l’entreprise. Pourtant, à y regarder de plus près, elles incarnent une formidable opportunité pour les organisations en quête de résilience et d’innovation. Décryptage d’un potentiel largement inexploité, à l’aune des mutations démographiques et sociétales.
Le plafond de verre n’a pas d’âge
Premier constat alarmant : passé 50 ans, les femmes se raréfient à vue d’œil dans les échelons supérieurs des entreprises. La faute à un cocktail délétère de stéréotypes et de discriminations :
- Seulement 20% des créatrices d’entreprise ont plus de 50 ans, contre 30% chez les hommes (Insee)
- L’écart de pension de retraite atteint près de 40% entre les femmes et les hommes séniors
- Les femmes subissent une double peine : aux préjugés sexistes s’ajoute la tyrannie du « jeunisme » qui sape leur crédibilité
Manque de confiance en soi, autocensure, réticence à se projeter… De quoi pousser nombre de quinquas vers la sortie, par résignation ou lassitude. Un immense gâchis quand on sait les trésors d’expérience et de maturité qu’elles recèlent !
La ménopause, cet impensé des politiques RH
Autre angle mort des entreprises : les bouleversements vécus par les femmes au mitan de leur vie, et leurs répercussions sur le travail. A commencer par le sujet tabou de la ménopause :
- Cette transition hormonale concerne toutes les femmes autour de la cinquantaine, avec des symptômes parfois invalidants
- Bouffées de chaleur, troubles du sommeil, fatigabilité accrue… Autant de maux incompatibles avec le sacro-saint présentéisme
- S’y ajoute le poids des injonctions à « rester jeune », source de stress et de culpabilité pour celles qui n’y arrivent pas
Parce qu’elles peinent à en parler, les quinquas doivent souvent composer seules avec cette épreuve intime, au détriment de leur bien-être et de leur engagement. Il est urgent d’en faire un sujet à part entière des politiques de santé au travail !
Careers and cares : repenser le travail à l’aune du « care »
Le mitan de la vie signe aussi l’avènement d’un nouveau défi pour les travailleuses : celui de l’aidance, qui vient percuter de plein fouet leur vie professionnelle. Les chiffres sont éloquents :
- 57% des aidants sont des aidantes, dont une majorité de quinquas écartelées entre jeunes enfants et parents âgés
- 20% des aidantes réduisent ou cessent leur activité, contre 12% des hommes (Drees)
- Quand la parentalité est mieux intégrée en entreprise, l’aidance reste l’impensé des politiques de conciliation vie pro/vie perso
Temps partiel subi, carrières entravées, retraites amputées… A défaut d’un meilleur partage de cette charge invisible, les femmes séniors trinquent au travail. Un enjeu sociétal majeur qui appelle des réponses collectives et innovantes !
Séniorité, superpouvoir entrepreneurial
Mais les quinquas ont plus d’un tour dans leur sac ! De plus en plus nombreuses à claquer la porte des entreprises, elles sont aussi de formidables entrepreneuses. Un phénomène encore trop méconnu :
- Les créatrices séniors représentent le segment entrepreneurial à la plus forte croissance dans le monde
- Elles se lancent par choix plus que par nécessité, pour donner du sens à cette nouvelle étape
- Fortes de leur expérience, elles réussissent souvent mieux que leurs homologues masculins
Transition écologique, économie du care, tech for good… C’est bien des séniors que viendront les innovations de rupture pour un monde plus durable ! La maturité est décidément un formidable atout pour entreprendre et réinventer le travail.
Alors que le vieillissement s’accélère et que les talents se raréfient, miser sur les travailleuses expérimentées n’est plus une option pour les entreprises. C’est un impératif stratégique pour construire les organisations de demain, plus inclusives et résilientes.
Cela suppose de bousculer notre logiciel culturel et managérial, pour valoriser tous les âges de la vie au travail. De repenser les parcours et les rythmes professionnels pour laisser place à la pluralité des aspirations. De réinventer les solidarités intergénérationnelles, en s’appuyant sur la complémentarité des savoirs et des regards. Bref, de célébrer les séniors dans toute leur diversité et leur singularité. Voilà le nouveau défi d’un féminisme conquérant, pour faire de la longévité un progrès partagé !