Souvent présenté comme un levier d’émancipation pour les femmes, le télétravail cache en réalité un visage plus sombre. Loin de gommer les disparités, il tendrait même à les exacerber, en enfermant les télétravailleuses dans des rôles genrés. Inégal accès au travail à distance, maintien dans la sphère domestique, stigmatisation… Décryptage d’un phénomène qui en dit long sur la persistance des stéréotypes.
Le télétravail, un « privilège » encore peu accessible aux femmes
Premier constat : toutes les femmes ne sont pas logées à la même enseigne face au télétravail. Cantonnées à des postes moins « télétravaillables » dans les métiers du soin ou du service, elles ont moins accès à ce mode d’organisation :
- Les emplois féminins restent perçus comme nécessitant une présence physique, même lorsqu’ils comportent une part de tâches réalisables à distance
- Occupant des positions moins élevées dans la hiérarchie, les femmes peinent à négocier le télétravail auprès de leurs managers
- Lorsqu’elles y ont accès, elles bénéficient de moins de jours télétravaillés et d’une moindre autonomie dans l’organisation de leur temps
On est loin de la révolution annoncée ! Obtenir le droit de travailler de chez soi reste encore un parcours du combattant pour de nombreuses femmes, et à des conditions souvent moins avantageuses.
Assignées à domicile : le télétravail, une double peine pour les femmes
Autre revers de la médaille : en brouillant les frontières entre travail et foyer, le télétravail expose les femmes à la « double journée ». Principale raison pour laquelle elles sont pourtant plus nombreuses à le plébisciter :
- Assumant l’essentiel des responsabilités domestiques, elles y voient un moyen de mieux concilier vie pro et familiale
- Subissant des conditions de travail plus contraignantes au bureau (horaires stricts, sollicitations permanentes…), elles espèrent gagner en qualité de vie
Mais le télétravail n’efface pas comme par magie les rôles traditionnels de genre. Au contraire, il les rejoue à domicile : tandis que Monsieur s’isole dans son bureau, Madame s’installe dans les pièces de vie, s’exposant aux interruptions des enfants et aux tâches ménagères. Flexibilité ou double peine ?
Halte aux clichés : en finir avec la stigmatisation des téléTravailleuses
Dernier écueil :la suspicion d’un moindre engagement professionnel qui colle à la peau des femmes en télétravail. Un stéréotype sexiste qui a la dent dure dans les esprits :
- Les téléTravailleuses seraient forcément moins investies car trop accaparées par leur vie familiale
- A l’inverse, le télétravail des hommes serait synonyme de sérieux et de concentration
- Ce « préjugé du canapé » conduit à écarter les femmes des opportunités de carrière et des échanges informels
Briser ce cercle vicieux suppose de bousculer nos représentations et le fonctionnement de nos organisations. Quelques leviers : évaluer l’éligibilité au télétravail tâche par tâche plutôt que métier par métier, garantir une véritable autonomie à chacun dans la gestion de son temps et de sa charge de travail, équiper convenablement tous les télétravailleurs et surtout, déconstruire sans relâche les stéréotypes de genre !
Car n’oublions pas que l’enjeu du télétravail s’inscrit dans un combat plus vaste : celui de l’égalité femmes-hommes au travail. Plutôt que d’enfermer les femmes à la maison, faisons du travail à distance un outil d’émancipation pour toutes et tous. Le télétravail ne sera un progrès que s’il s’accompagne d’un changement profond de nos mentalités !